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Affrontement |
Auteur : | Mark Simonitch |
Editeurs : | Jeux Descartes (vf) Avalon Hill (vo) |
Date de sortie : | 1996 |
Durée : | 3h |
Nombre de joueurs : | 2 |
La carte du jeu Hannibal représente la Méditerranée occidentale (lAfrique du nord, lItalie et la Sicile, lEspagne et le sud de la France) découpée suivant les entités politiques de lépoque : Rome et Carthage, les alliés italiens, Syracuse et la Sicile, les royaumes numides et celtibères, Marseille et les tribus gauloises, soit un total de 22 provinces. Pour organiser le jeu, chaque province est divisée en un certain nombre d« espaces », cinq en général. Chaque espace porte un nom et est figuré sous forme géométrique (cercle pour la grande majorité dentre eux, carré pour les villes fortifiées et hexagone pour les tribus). Les espaces sont reliés entre eux par des traits droits ou sineux lorsque la route passe par un col. Le dessin dune petite galère est accolé à certains espaces, indiquant lexistence dun port permettant les embarquements et les débarquements de troupes.
Les espaces ont deux fonctions :
Les armées et les généraux
Les forces des deux camps en présence sont symbolisée par des pions circulaires portant un chiffre indiquant leur valeur en unités de combat. Avec ce système simple, le jeu Hannibal ne reproduit pas les différences déquipement, de qualité et dorigine des armées de lépoque (alors que les armées carthaginoises étaient plus hétérogènes que les armées romaines). Seule exception, le joueur carthaginois possède deux unités de combat avec éléphants (que serait un jeu baptisé Hannibal sans traversée des Alpes par des éléphants !).
La différence entre les deux armées se situe au niveau du recrutement, favorable au joueur romain, et au niveau du commandement, favorable au joueur carthaginois.
Les unités de combat ne se déplacent pas seules, elles accompagnent un général. Le joueur carthaginois dispose dune grande souplesse de commandement puisquil a en permanence cinq généraux à sa disposition. Ainsi laisse-t-il un général en Afrique, un en Espagne et deux accompagnent Hannibal pouvant ainsi se détacher à tout moment de larmée principale avec des unités de combat pour mener une offensive parallèle.
En face, le système de commandement romain est beaucoup plus lourd. A chaque tour, le joueur romain tire au hasard deux généraux parmi les huit à sa disposition. Ce sont les deux consuls de lannée. Les consuls doivent avoir sous leur commandement une armée dau moins cinq unités de combat. Sauf en cas de perte, elle ne doit jamais être dun nombre inférieur. Le joueur romain peut également nommer proconsul un consul de lannée précédente et disposer ainsi de trois généraux. Le proconsul peut commander des armées de nimporte quelle taille mais si un consul se trouve dans la même armée, cest ce dernier qui commande.
La qualité dun général se traduit par deux chiffres : le talent de stratège (de 1 à 3) et le talent de tacticien (de 1 à 4). Plus le chiffre du talent de stratège est bas, plus le général peut agir souvent. Plus le chiffre du talent de tacticien est haut, plus le général a de chance de prendre linitiative dans un combat. En outre, chaque général possède une compétence spéciale (bonus aux dés à certaines occasions).
Mis à part Scipion qui a les mêmes compétences que Hannibal, les généraux romains sont moins bons que les carthaginois.
Le contrôle politique
Le contrôle politique est lâme du jeu. La probabilité de réussir la capture de la capitale adverse étant faible, la victoire sobtient en mettant à genoux ladversaire grâce au contrôle progressif de ses provinces.
Le contrôle politique sexerce sur chaque espace pris séparément et sexprime à laide de marqueurs de contrôle politique. Un camp contrôle une province lorsquil contrôle la majorité des espaces de la province.
Au début du jeu, Rome contrôle lItalie sauf la Gaule cisalpine, la Sicile, la Corse et la Sardaigne. Carthage contrôle lAfrique, trois des quatre provinces dEspagne et les Baléares.
Un joueur perd le contrôle politique dun espace (i.e. on enlève le marqueur) lorsque :
En cours de jeu, un joueur peut placer de nouveaux marqueurs sur des espaces vides ou convertir des marqueurs adverses en jouant une carte de stratégie (voir ci-dessous). Il est important de noter que la conversion des marqueurs nest pas automatique lorsque lespace est occupé.
Les villes fortifiées ne changent de camp que lorsquelles tombent après un siège. Elles ont donc une importance stratégique primordiale puisquelles offrent une précieuse stabilité.
Les tribus sont soit neutres, soit alliées à Carthage. Leurs espaces peuvent être contrôlés si elles sont réduites (même mécanisme que le siège).
Séquence de jeu
Une partie dHannibal se déroule en neuf tours, si la partie ne sarrête pas avant suite de leffondrement dun des deux joueurs. Les trois premiers tours représentent une année réelle, les tours suivants deux années. La séquence dun tour de jeu est la suivante :
Les renforts sont de cinq unités par tour pour le joueur romain et de quatre pour le carthaginois. Mais alors que le joueur romain peut concentrer ses renforts à un endroit, les renforts carthaginois sont dispersés : un en Afrique, deux en Espagne et le dernier nimporte où. Une fois en Italie, Hannibal comble difficilement ses pertes alors que Rome reçoit léquivalent dune armée consulaire à chaque tour (Hannibal nest pas obligé daller en Italie mais on imagine mal que le joueur carthaginois ne ly envoie pas).
Les phases 3, 4 et 5 sont en fait des ajustements de fin de tour. Lusure hivernale nest subie que par les unités situées à la fin du tour dans un espace que leur camp ne contrôle pas. Lisolement politique et le calcul des points renvoient à ce qui a été dit sur le contrôle politique.
Cest la phase stratégique qui est le cur du jeu. Elle est entièrement déterminée par lutilisation des cartes de stratégie qui sont distribuées aux joueurs au début de la phase.
Les cartes de stratégie et la phase stratégique
Au début de cette phase, chaque joueur reçoit un certain nombre de cartes de stratégie (7 aux trois premiers tours puis 8 puis 9 dans les trois derniers). La phase se termine lorsque toutes les cartes de stratégie ont été jouée. Une carte de stratégie porte deux informations : un événement (Marche forcée, Philippe de Macédoine sallie à Carthage, Recrues italiennes, etc.) et un chiffre (1, 2 ou 3).
En commençant par le joueur carthaginois, les joueurs jouent une carte de stratégie alternativement. Une carte de stratégie peut être jouée de quatre manières :
Les déplacements des généraux
Un général se déplace lorsque le joueur joue une carte de stratégie avec un chiffre supérieur ou égal à son talent de stratège ou qui décrit lévénement Campagne majeure ou Campagne mineure (qui autorise à déplacer deux ou trois généraux en même temps).
Un général peut se déplacer de quatre espaces et peut emmener jusquà dix unités de combat avec lui. Sil passe par un col, son armée subit éventuellement des pertes. Un général qui se déplace peut laisser derrière lui des unités de combat comme il peut en incorporer dans son armée (tout en respectant la limite inférieure de cinq unités de combat pour les armées consulaires et la limite supérieure de dix unités pour toutes les armées).
Un général peut également effectuer des déplacements maritimes. Pour cela, la carte de stratégie doit être un événement Campagne majeure ou mineure ou porter le chiffre « 3 » (un dessin de galère sur la carte de stratégie rappelle la possibilité de faire un déplacement maritime). Les déplacements maritimes se font dun port à un autre, où quil soit sur la carte.
Rome détient la maîtrise de la mer. Le joueur romain se déplace donc en mer sans danger. Il en va autrement pour le joueur carthaginois. Chaque port étant doté dun modificateur compris entre -2 et +2, à chaque déplacement maritime, le joueur jette un dé auquel il rajoute les modificateurs du port de départ et celui darrivée plus dautres modificateurs éventuels (par exemple, -1 si la Macédoine est alliée à Carthage). Sil fait 3 ou plus, son armée est éliminée. Autrement dit, il est à peu près sans danger pour le joueur carthaginois de se déplacer de Carthage à Carthagène en Espagne mais il est beaucoup plus hasardeux de débarquer directement en Italie, alors que le joueur romain na aucune difficulté pour débarquer en Afrique.
Lorquun général entre dans un espace occupé par des unités de combat adverses, il est obligé de sarrêter. Larmée adverser peut essayer déviter le combat (jet de dé inférieur ou égal au talent de tacticien du général) et larmée attaquante peut tenter de le poursuivre. Lorsquun général passe dans un espace adjacent à un espace occupé par un général ennemi, ce dernier peut tenter de lintercepter (jet de dé inférieur ou égal au talent de tacticien du général).
A la fin des mouvements, le général engage le combat avec les unités adverses suivantes ; il peut également mettre le siège devant une ville fortifiée ou continuer un siège en cours.
Les combats
Les combats sont résolus dune façon très originale qui effrayera peut-être les puristes et qui a sans doute été inspirée aux auteurs par la vague des jeux de cartes à collectionner. En effet, les joueurs ont recours à des cartes spéciales : les cartes de bataille. Chaque carte de bataille décrit un mouvement offensif particulier sur un champ de bataille. Il y a six types :
Les cartes « Réserves » sont des sortes de jokers qui remplacent nimporte quelle autre carte.
Avant un combat, les joueurs reçoivent chacun un certain nombre de cartes de bataille en fonction de leurs situations respectives.
Un joueur reçoit autant de cartes que le talent de tacticien de son général et que le nombre dunités de combat de son armée. Il reçoit ou perd des cartes en fonction des circonstances : une de plus sil vient de réussir une interception, une de moins sil vient de rater une retraite, une de plus sil contrôle la province où a lieu la bataille.
Sur les trois principaux théâtres dopération (Italie, Espagne, Afrique), un joueur gagne des cartes grâce à ses alliés, cest à dire une carte de bataille par province quil contrôle sur ce théâtre. Par exemple, lorsque Carthage contrôle toute lEspagne, soit quatre provinces, une armée carthaginoise reçoit quatre cartes supplémentaires pour toute bataille sur le sol espagnol. Cela revient à dire quune armée carthaginoise en Espagne est forte de quatre unités de combat supplémentaires en permanence.
Les cartes distribuées, la bataille commence. Si larmée carthaginoise comprend des unités avec des éléphants, le général peut tenter une charge déléphants (qui réussit si le jet de dé est supérieur au talent de tacticien du général romain) pour enlever une carte de bataille au joueur romain.
Cest le joueur qui a déclenché le combat qui a linitiative. Il pose devant lui une carte de bataille. Son adversaire doit le contrer en jouant une carte de bataille identique. Sil y arrive, il tente de prendre linitiative. Pour cela, il jette un dé. Si le résultat est inférieur au talent de tacticien de son général, il devient lattaquant. Cest alors à lui de jouer une carte de bataille et à son adversaire de le contrer. Sil rate, linitiative demeure dans le camp adverse qui joue une nouvelle carte de bataille.
Linitiative change donc de camp plusieurs fois par bataille selon la chance aux dés des joueurs et les talents de tacticien des généraux. Lorsquil a linitiative, un joueur joue une carte de bataille de la catégorie où il en a le plus puisquil est probable que son adversaire en a moins que lui et ne pourra pas le contrer indéfiniment. Il peut également tenter de faire retraite sil trouve la bataille mal engagée.
Lorsquun joueur ne peut pas contrer la carte de bataille de ladversaire ou sil a liniative mais plus de carte en main, il a perdu. On jette alors deux dés. Le premier détermine les pertes en unités de combat identiques dans chaque camp, qui dépendent de la durée de la bataille (nombre de cartes de bataille jouées et contrées avant la défaite). Le second détermine les pertes du camp vaincu pendant la retraite (cela peut aboutir à lanéantissement total de larmée).
Un général dont toutes les unités de combat sous son commandement sont éliminées est neutralisé. Il ne peut plus être utilisé dans ce tour et revient au tour suivant. Si Scipion est neutralisé, il est éliminé. Si Hannibal est neutralisé, le joueur carthaginois perd la partie.
Fin de la partie
La partie se termine automatiquement lorsque :
Sinon la partie se termine à la fin du dernier tour. Le vainqueur est celui qui contrôle le plus grand nombre de provinces.
En fait, les règles dHannibal ne sont ni très complexes ni trop difficiles à assimiler mais il reste que le jeu Hannibal, par son thème, sadresse à un public moins large quun jeu de société plus familial. Les joueurs doivent garder en permance le livret de règles sous la main mais celles-ci sont moins déroutantes pour le néophyte que celles de wargames classiques qui demandent une bonne pratique du calcul mental. En outre, le jeu Hannibal propose trois mécanismes très intéressants : le contrôle politique, les cartes de stratégie et les cartes de bataille, système qui, daprès les auteurs, est inspiré de celui du jeu We, the people (qui porte sur la guerre dindépendance des Etats-Unis).
Avec la règle du contrôle politique, conquérir une province de cinq espaces tous occupés par des marqueurs de contrôle politique adverse est long et fastidieux. Contrairement à beaucoup dautres jeux où la conquête passe par la simple occupation, ici il faut déposer des unités sur chaque espace, convertir les marqueurs et, enfin, reprendre les unités dispersées. En revanche, si ladversaire a déjà perdu deux marqueurs sur les cinq, la conquête est beaucoup plus rapide. Ainsi, un joueur peut se permettre de perdre deux marqueurs dans une province de cinq espaces puisquil contrôle toujours la province mais celle-ci est alors plus vulnérable et peut être prise rapidement.
Ce système simule efficacement lérosion progressive du contrôle politique qui, si elle est exploitée au bon moment par ladversaire, peut se révéler catastrophique.
Les cartes de stratégie sont une riche trouvaille. Avant de commencer les opérations, chaque joueur doit analyser soigneusement les cartes quil a en main pour bien saisir toutes les opportunités quelles représentent et déterminer dans quel ordre elles doivent être jouées. Par exemple, «Révolte en Numide», cest loccasion pour le joueur romain de simplanter en Afrique, à condition quil prépare son débarquement et que le joueur carthaginois ne puisse pas réagir trop vite.
En outre, toutes les cartes de stratégie nont pas la même importance. Celles qui portent un chiffre « 3 » sont beaucoup plus efficaces. Or, et ce nest évidemment pas un hasard, celles qui portent un chiffre « 3 » sont celles qui décrivent les événements les plus intéressants pour modifier le cours du jeu.
Ainsi, le joueur qui détient une de ces fortes cartes devra choisir sous quelle forme lutiliser et ce choix nest pas toujours facile. On voit là limportance du talent de stratège dun général : Hannibal a un talent de stratège de « 1 », le joueur carthaginois peut donc utiliser les cartes avec un événement peu intéressant et portant les chiffres « 1 » ou « 2 »pour le déplacer et réserver ses fortes cartes pour une autre occasion ; en revanche, avec Fabius Maximum et son talent de stratège de « 3 », le joueur romain est obligé de sacrifier des fortes cartes pour pouvoir le déplacer. Alors quau premier tour, par exemple, Hannibal peut être déplacé sept fois, les généraux romains ne se déplaceront pas plus de deux fois (sauf excellent tirage du joueur romain).
Les cartes de bataille offrent, quant à elles, un mécanisme de résolution des batailles qui tranche agréablement avec ces combats réglés par un seul coup de dé fatidique. Cest un système doté dune très grande souplesse et qui permet dintégrer facilement un grand nombre de situations : par exemple, pour simuler la milice à Rome, le joueur reçoit deux cartes de bataille supplémentaires lors dun combat dans le Latium. Et les joueurs ignorent avant le combat si la carte de bataille en plus ou en moins sera celle qui fera tout basculer.
En ce qui concerne le matériel fourni, celui-ci est très fonctionnel et de très bonne facture. Une réserve toutefois pour le plateau de jeu un peu trop chargé et surtout pour lutilisation de noms latins pour désigner les provinces. En soi, pourquoi pas, cela fait couleur locale et cest loption retenue dans le wargame Imperium Romanum (qui reproduit les guerres civiles de lempire romain). Le problème dans le jeu Hannibal, cest que les règles utilisent les noms latins alors quexistent des transpositions françaises bien établies, ce qui donne « Révolte en Sicilia» ou même dans le texte « Liguria » suivi entre parenthèses de la traduction « Ligurie». Plus gênant, dans le résumé historique, en parlant de lorigine du conflit, le texte parle du « siège de Saguntum » alors que tout livre sur la deuxième guerre punique vous parlera du fameux siège de Sagonte. Cest un détail mais quand on aime un jeu on chipote aussi sur les détails...